Par Myriam Poliquin
La veille
Au retour de Châteauroux, la veille, c'est notre première occasion de jouer les touristes dans les Hautes-Alpes. C'est aussi le plaisir de se découvrir comme équipe en dehors des préparatifs pour vos spectacles et tes ateliers. On commence par bouquiner à l'épicerie littéraire où on se lit des poèmes à haute voix.
Puis, l'envie de se saucer nous pogne. La couleur de l'eau au fond de la vallée est ensorcelante. C'est une chasse au trésor. On zigzague à travers la vieille ville à la recherche d'une pancarte « Plan d'eau », entraînés sur une mauvaise piste par le panneau « Toutes directions ». Ton musicien fait des exploits de conduite en se faufilant dans les ruelles étroites, tout en gérant le trafic à double sens, la priorité aux reculeurs et les piétons audacieux.
Sur la plage, on a des réminiscences de l'Ouest canadien et de l'Islande. L'eau est tiède, le vent nous fait oublier la chaleur. On est prêt.e.s pour aller faire les commissions. C'est notre premier souper commun avec nos hôtes et on doit ramasser des légumes et du vin. Au Super U, on annonce à toute la ville qu'on n'est pas du coin: on oublie de faire peser et étiqueter les légumes avant de passer à la caisse, on exaspère la caissière en cherchant à savoir qui a payé le lait et on fait sonner l'alarme à deux reprises et à deux endroits différents parce que les portes ne sont pas marquées « entrée seulement ».
À notre arrivée, Aline et son mari, Greg, nous font goûter du vin de noix et du vin d'orange, du Génépi (un tord-boyaux à base de plante alpine macérée) et de l'alcool de prunes. Sur mon estomac vide, ça me fait monter le rouge aux joues. Finalement, j'ai le temps de me manger l'intérieur deux fois avant qu'on soupe... à 23h. Ça rit de ma gueule. Une chance que j'ai un partner in crime prêt à grignoter à toute heure, et qui prévoit toujours les collations dans nos planning de journée.
Préparatifs et répétition
Bien qu'on se soit couchés à 2h, je suis debout à 7h30. Vous dormez sous la chaleur. Je suis toute collante, j'étouffe et il n'y a pas de porte silencieuse chez Mylène. Elle circule déjà depuis un moment, s'activant en vue du festival. C'est votre dernier matin de repos avant Les Rencontres de la petite enfance, je décide de m'éclipser toute l'avant-midi pour marcher la vieille ville d'Embrun. Je fais le parcours piétonnier où je passe mon temps les yeux en l'air à observer les sculptures au-dessus des fenêtres et des portes, les balcons ornés de cascades de fleurs et les fresques-cadrans solaires au mur des maisons (témoignage des lieux où des gens plus aisés ont résidé). Du street art historico-pratique comme je l'aime!
T'as un atelier à préparer, je dois revenir pour un p'tit briefing là-d'ssus, histoire de pouvoir te donner un coup de pouce demain matin. J'vous croise sur le chemin de retour vers la maison. Vous allez acheter des carottes que tu vas transformer en flûtes pour les enfants de Guillestre.
À travers les explications que tu me donnes, tu pratiques les chansonnettes avec lesquelles tu ponctueras ton atelier. Pendant ce temps-là, Simon nous prépare un lunch pour notre tournée à la forteresse de Mont-Dauphin, tout en tapant le rythme ou en validant des mélodies (pourtant familières):
« C'est quoi dont l'air de Saute, saute, saute, petite grenouille? »
T'es debout dans la cuisine avec ton tuba-flûte-traversière et tes petites palmes, l'une rose et l'autre verte, attachées avec des boucles de tulles. Je suis en train de te fabricoler des albums de CD avec du papier brun, les crayons de couleur et les stencils étalés sur la table.
C'est une image forte que tu m'offres, mon amie. J'en perds mes moyens créatifs!
Pas certaine que j'aurais pu croire à cette mise en scène de nous deux il y a 10 ans...